Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 février 2022 4 24 /02 /février /2022 16:32

Les métaux rares sont des ressources « critiques » essentielles pour l’industrie. Souvent importés, leurs approvisionnements sont devenus un enjeu géopolitique majeur, d’autant que la transition écologique est très gourmande en métaux et terres rares.

L’industrie métallurgique est extrêmement gourmande en métaux de toutes sortes. Les éoliennes et les centrales solaires nécessitent 90% d’aluminium et 50% de Cuivre en plus que les centrales fossiles pour la même énergie produite.

  • Par champ d’éoliennes (170m de haut - 6 MW/éolienne), il faut des kg de terres rares et des tonnes de Cuivre pour leurs constructions et les kilomètres de câbles de liaison.
  • Dans l’aéronautique, il faut aussi beaucoup d’alliages dont l’Aluminium et le Lithium pour construire l’AIRBUS A350 plus léger.
  • En mobilité, il faut des dizaines de kg de Cobalt, de Nickel, de Manganèse et de Lithium pour fabriquer les batteries des voitures électriques.
  • Pour les aimants, il faut aussi des terres rares.

Une concentration géographique des mines et une tension de la demande

D’ici 2040, la demande en métaux rares devraient être multipliée globalement par 4 si l’on se conforme aux Accord de Paris : demande multipliée par 40 pour le Lithium, par 25 pour le Graphite, par 19 pour le Nickel.

Les métaux rares sont concentrés dans quelques pays : 15% du Nickel mondial et 50% du Titane en Russie. 3 Etats concentrent 50% du Cuivre : le Chili, le Pérou et la Chine. 60% du Cobalt vient du Congo dont 2/3 des mines sont contrôlées par la Chine. La Chine contrôle 60% des terres rares utilisées dans les aimants, les mobiles, les semi-conducteurs, les éoliennes.

1 seule mine se trouve dans le monde occidental à Mountain Pass aux confins du Nevada aux Etats-Unis.

Les réactions

Des alertes avaient déjà été lancées pour assurer la sécurité des approvisionnements :

  • En 2009 par votre serviteur (André LOESKRUG-PIETRI) quand la Chine avait bloqué ses exportations de terres rares d’où l’affolement des secteurs électroniques et automobiles au Japon.
  • En 2021, Le rapport "VARIN" sur la sécurisation des approvisionnements en matières premières minérales et remis au Gouvernement en janvier 2022 avec 3 pistes pour Sécuriser les approvisionnementsDévelopper les recyclagesDévelopper les produits miniers sur le sol européen. La Commission Européenne a identifié 4 projets Lithium en République Thèque, en Finlande, en Autriche et en Allemagne mais avec des oppositions des populations locales.

Quelle stratégie développer ?

Il faut surtout anticiper. Cette situation était écrite. C’est vraiment une défaillance majeure de l’Etat et des Institutions Européennes.

Il faut évidemment sécuriser stratégiquement les approvisionnements ; et l’industrie automobile sait le faire depuis 30 ans avec la double source systématique d’approvisionnement dont au moins une dans un pays allié.

Il faut avoir un discours de vérité avec nos concitoyens, sinon nous aurons la même réaction que celle de Stéphane BERNE sur les éoliennes (une supercherie).

Il faut développer rapidement des technologies de rupture pour trouver des alternatives.

Il faut aussi avoir le courage de dire que les programmes de recherche sont trop lents pour disrupter le système.

La prise de conscience de notre vulnérabilité doit créer un électrochoc pour arrêter de faire des grands discours et accélérer.

 

La vidéo : La guerre des métaux rares - Bing video

 

                                                                                                                                  CR – cocqueel.jeanpaul@bbox.fr

 

Partager cet article
Repost0
23 février 2022 3 23 /02 /février /2022 16:54

Dans l'émission "Lenglet déchiffre" sur LCI du 20/02/2022, le PDG d'ADP, Augustin de ROMANET donne son appréciation sur les grands enjeux actuels : L'avenir de l'aérien, le conflit Russie-Ukraine, l'énergie décarbonée, le péril de la dette française.

Augustin de Romanet = Patron du groupe ADP qui gère les aéroports de Paris & Orly (2,8 milliards d’€ de CA en 2021), ancien patron de la Caisse des Dépôts, ancien haut fonctionnaire de la Direction du Budget, ancien secrétaire général de l’Elysée sous J.CHIRAC.

FL- Comment le secteur de l’aérien a-t-il traversé la tornade Covid ?

L’année 2021 a été particulière car AIRBUS a battu un record de CA (+4 milliards d’€) et des compagnies aériennes ont été en très grande difficulté. Le groupe ADP a magnifiquement résisté grâce à des équipes agiles en fermant et en ouvrant des terminaux et à la mobilisation des collaborateurs qui ont accepté des baisses de rémunérations que j’espère aussi transitoires que possible. Globalement, le monde de l’aérien a été extrêmement choqué et a compris qu’avec les enjeux de la transition énergétique son devoir était de décarboner l’avion et de le réserve à une utilisation raisonnée : quand on peut prendre le train plutôt que l’avion, ce n’est pas une mauvaise idée.

FL- Va-t-on retrouver un niveau normal d’activité pour le secteur de l’aérien ?

Probablement oui pour les vols européens en moyens courriers : 80% du trafic antérieur à ce jour.  En revanche pour les longs courriers, notamment vers la Chine, les tarifs sont exorbitants compte tenu des restrictions imposées par la Chine  (vols interdits dés que 4-5 personnes sont détectées positives au Covid) et la réciprocité totale imposée par le Quai d’Orsay. Ce qui rend l’expatriation compliquée.

FL – Cette crise aura-t-elle changé durablement le voyage d’affaire ?

Les entreprises ont réalisé que le voyage pouvait être très coûteux et qu’une visioconférence pouvait remplacer. Le code de bonne éducation a changé. Avant le Covid, il était élégant, courtois, d’aller au bout du monde pour signer un contrat ou voir ses équipes 1 ou 2 journées. Aujourd’hui, il est de mauvaise éducation de prendre un courrier pour aussi peu de temps avec les émissions de CO2 qui sont associées. On s’est donc aperçu qu’on pouvait faire des économies de coûts pour l‘entreprise et émettre moins de CO2. Çà a changé le comportement entre 25 à 30% des entreprises. Sur AIR FRANCE, 50% des sièges sont occupés par des personnes qui voyagent à titre personnel.

Le transport aérien doit s’adapter. En 1960, il y avait 100 millions de passagers dans le monde ; 4,5 milliards en 2019 et on prévoyait 15 milliards en 2050. Le trafic de 2019 devrait être retrouvé au plus tard en 2026. Le trafic aérien devrait croître probablement un peu moins vite dans les pays développés mais la demande de voyages sera plus forte au niveau des classes moyennes des pays  émergents. En INDE, dont le PIB/habitant est de 200 dollars par rapport à +50.000 dollars en FRANCE, la demande de voyage va exploser quand son PIB /habitant passera à 1000 dollars /habitant. C’est aussi pour cela qu’il est urgent de construire des avions moins polluants.

FL – Comment changer l’image de marque des jeunes pour le transport aérien, synonyme de pollution ?

Les jeunes qui se pincent le nez sont des jeunes bobos qui ont la chance d’aller à l’île MAURICE à Noël. Si vous êtes un jeune habitant à TOULOUSE et que vous voulez faire un ERASMUS  à HAMBOURG, vous avez besoin de prendre l’avion. Au nom de quoi interdire aux jeunes générations de parcourir le vaste monde ? La clé est de réserver un usage raisonné de l’avion pour ne pas abuser des voyages long-courriers pour un oui ou pour un non ; et par ailleurs, nous avons une révolution industrielle qui va concerner l’ensemble de l’économie. Ce qui nous attend, c’est exactement le symétrique de la révolution industrielle. Nous avons connu une croissance que l’humanité n’avait jamais connue entre 1800 et maintenant. Pourquoi ? Le 1er puits de pétrole a été creusé en 1847 par L. DRAKE et nous aurons utilisé en 150 ans un pétrole qui a mis des dizaines de millions d’années à se constituer de façon fossile. Nous avons mangé totalement notre blé. Or, nous savons que le monde de demain aura besoin de plus d’énergie car la croissance suppose de l’énergie et que l’énergie fossile devra quasiment disparaître. L’inventivité des ingénieurs sera plus que jamais mise à contribution pour tous les secteurs économiques, à commencer pour l’aviation.

FL -  Le transport aérien et la mondialisation ont connu des courbes parfaitement corrélées. Si le transport aérien ne connait plus la croissance qu’il avait pendant les années d’or de la mondialisation, cela veut-il dire que la mondialisation ne progressera plus comme jusqu’à présent ?

Le conflit avec l’UKRAINE me laisse à penser que la mondialisation heureuse n’est pas d’actualité. En revanche, quand je regarde les prévisions de demandes d’avions, je pense que celles-ci  vont continuer à être très fortes dans les pays émergents. Et c’est la raison pour laquelle il est indispensable de décarboner le transport aérien. On ne supprimera pas l’avion, à commencer dans notre pays avec 2,7 millions de compatriotes en OUTRE-MER. Il faut évidemment l’adapter l

FL- Croyez-vous au rapatriement des composants ? Ou est-ce seulement conjoncturel, ce qui n’infléchira pas durablement une économie diffuse dans tous les points de la planète ?

Il y a 2 tendances simultanées.  D’une part, un effet au rapatriement à cause des chaînes logistiques à flux tendus et avec des menaces énormes (cf. puces électroniques – crise des semi-conducteurs) et des arrêts de productions. Et d’autre part, la mondialisation va continuer à progresser avec la croissance continue des pays émergents, même s’il y aura des à coups comme avec l’EUROPE centrale si le conflit RUSSIE-UKRAINE venait à s’envenimer.

FL- Quels sont les progrès technologiques qu’on peut attendre de l’aérien dans les années qui viennent ?

C’est l’objet de notre plan stratégique 2025. On peut s’attendre à une décarbonation du transport aérien qui se jouera au sol (véhicules sur pistes, chauffage …), mais aussi avec des carburants aéronautiques durables (ISAF ou électrolyse d’hydrogène – Hydrogène liquide pour les petits- courriers), la diminution des opérations au sol, le perfectionnement des avions (moteurs sans nacelle). Il va falloir agir sur tous les facteurs ; savoir comment produire, transporter et stocker l’hydrogène … .

FL- A l’aéroport, c’est long et compliqué. L’aéroport du futur permettra t-il d’échapper au parcours du combattant ?

C’est l’objectif de notre plan 2025 de « smartiser » l’aéroport : vous imprimez votre carte d’embarquement à domicile et vous enregistrez votre visage sur votre ordinateur soit une empreinte biométrique. Une fois arrivé à l’aéroport, vous pouvez passer tous les contrôles avec votre empreinte biométrique. Cela nécessitera de travailler avec la CNIL  (Centre National des Libertés Individuelles) et la PAF (Police aux Frontières) et d’avoir des équipements informatiques adaptés. C’est la voie à adopter pour avoir une fluidification des passages. Notre objectif est d’avoir 50% des passages « smartisés » pour 2025. En tant que gestionnaire de l’aéroport, nous savons que le temps d’attente est le principal sujet de nos clients et qu’il est détestable pour l’image de la FRANCE.

FL- Le futur ADP, c’est un ADP privé ?

La grande fierté de votre serviteur, c’est  essayer de démontrer depuis 2012 qu’une entreprise peut être efficace même quand elle a un actionnaire public. Depuis 10 ans, j’ai toujours refusé de faire ce qui m’apparaissait contraire à l’intérêt social de l’entreprise. Et si on m’avait demandé de le faire, je ne serai pas resté. Dans ces conditions et à ce stade, le fait d’avoir un propriétaire public ne m’a jamais empêché de faire des choses conformes à l’intérêt social de l’entreprise. Encore une fois, si cela n’avait pas été le cas, mon mandat social l’emporte sur l’allégeance à un ETAT qui serait à la fois mon actionnaire et la puissance qu’il me donne : Mon devoir est supérieur vis-à-vis de mes actionnaires en général à celui d’un actionnaire en particulier. Si nous étions privatisés, très bien, çà pourrait avoir des bénéfices. Mais le fait d’être public pour une infrastructure comme la notre qui est régulée et qui est un point d’accueil du monde entier présente aussi un certain nombre de vertus. Un schéma dans lequel l’ETAT garderait 33% du capital  mais ouvrirait à 67% pour donner un peu plus de souplesse à l’entreprise dans un certain nombre d’opérations de croissance externe me paraîtrait un bon schéma. Dans cette perspective, le fait de garder pour ROISSY-CHARLES de GAULLE et PARIS-ORLY  la concession et la propriété perpétuelles me paraîtrait une meilleure idée que ce qui a été prévu dans la Loi Pacte 2019 relative à la privatisation d’ADP.

FL- Par rapport au conflit RUSSIE-UKRAINE, pensez-vous utile de se battre au niveau diplomatique pour éviter l’invasion de l’UKRAINE par la RUSSIE ? A-t-on des chances d’obtenir ce résultat ?

Evidemment, il faut se battre et utiliser la diplomatie jusqu’au bout, surtout dans un domaine où on se retrouve pris en sandwich entre les Américains et les Russes. Après la chute du mur de Berlin en 1989, les Occidentaux s’étaient engagés à ce que l’UKRAINE n’adhère pas à l’OTAN et il y a eu une promesse de la part des ETATS-UNIS. Mais lors du Sommet de l'OTAN de 2009 à Bucarest, les ETATS-UNIS ont fait pression pour que l’adhésion de l’UKRAINE à l’OTAN soit formulée comme un souhait. A l’époque, la FRANCE et l’ALLEMAGNE n’y étaient pas favorables. Cette affaire vient donc de très loin mais ne légitime en aucune façon le recours  à la violence, à l’intimidation, ni à la manipulation dont le Président POUTINE semble vouloir être l’auteur. Moi je regarde les faits. Dans cette perspective, le rôle de l’EUROPE est absolument crucial. L’attitude de Mr POUTINE est difficilement décryptable : peur de l’installation de missiles en UKRAINE ou souhait de déstabiliser l’UKRAINE ? Je rappelle que la demande d’adhésion de l’UKRAINE à l’OTAN n’a jamais été acceptée jusqu’à présent. La menace dont Mr POUTINE se fait l’écho est donc bien lointaine. Avec prudence, l’EUROPE doit trouver une voie qui soit sa loi et pas la loi américaine.

FL- Finalement, il ne faut pas s’aligner sur les ETATS-UNIS ?

Regardez ce qu’à fait le Président CHIRAC lors de la guerre en IRAK. Personne ne le regrette aujourd’hui.

FL- N’a t’on pas porté suffisamment d’attention aux craintes de la RUSSIE et de Mr POUTINE ?

Le Président MACRON est très attentif à La RUSSIE. Mais n’étant pas spécialiste, je me garderai d’aller au-delà dans mes appréciations.

FL – La RUSSIE a changé. Elle est devenue le principal fournisseur de gaz de l’EUROPE, le 1er exportateur de blé mondial et l’un des premiers exportateurs d’armes. Ce pays qui était considéré comme déclinant a de bons restes ?

La démographie russe est très préoccupante. Elle a incontestablement un problème existentiel.

FL- Est-ce la fin de l’hégémonie américaine ?

L’influence américaine demeurera tant que sa puissance économique sera là. La façon dont les ETATS-UNIS gèrent leurs dettes publiques est un moyen d’assurer leur puissance économique encore pendant de longues années malheureusement. Au niveau diplomatique, il ne faut pas se laisser impressionner par la puissance financière des uns, ni par la puissance manipulatrice et terroriste des autres.

FL- Par rapport à la recapitalisation d’EDF, n’y a-t-il pas un paradoxe d’avoir notre électricien national aussi affaibli à un moment où l’énergie risque de manquer ?

Au plan énergétique et pendant de longues années, nous avons vacillé sur le nucléaire. La FRANCE a perdu des compétences, de la dynamique et du leadership. La décision prise de construire 6 nouveaux EPR marque le redémarrage du nucléaire dans une période où il va falloir reconstruire des compétences à la fois en matière de construction et de sureté. C’est une bonne décision mais les 10-15 ans de vacillement nous coûtent cher aujourd’hui.

FL- Cela veut dire qu’il est temps de relancer des grands programmes d’investissement comme on vient de le faire ?

L’énergie renouvelable dont fait partie le nucléaire devrait être multipliée par 15 dans les 20 ans qui viennent. Il n’existe pas d’alternative à une utilisation raisonnée du nucléaire. On a besoin d’énergie nucléaire pilotable. Et à ce jour, on n’a pas trouvé de remplaçant.

FL- Le dernier Rapport annuel public de La Cour des Comptes montre des faiblesses structurelles des dépenses publiques et une dégradation des finances publiques. La FRANCE est-elle  en péril sur la question de la dette ?

Ce serait irresponsable de répondre Non. En 2008, nous étions dans le camp des « pays dits du Nord » qui avaient la dette publique rapportée au PIB la plus faible d’EUROPE. En 2021, la FRANCE est passée du Nord au Sud. Cette épidémie Covid a été intéressante car elle a mis tous les états sur la même ligne de départ qui a consisté à mettre sous-perfusion l’économie pour financer les différents profils et à l’arrivée on peut voir les performances. Entre 2019 et 2021, la SUEDE a augmenté son déficit public de 2,4 points de PIB, l’ESPAGNE de 25,1 points de PIB, l’ALLEMAGNE de 12,5 points de PIB, les PAYS-BAS de 9 points de PIB et la FRANCE de 17,1 points de PIB.

Nous avions déjà une dette publique qui avait tendance à s’accroître plus vite que les autres et nous avons passé la surmultipliée pour un « QUOI QU’IL EN COÛTE » dont personne ne nie que c’était nécessaire, qu’il a été bien exécuté même si certaines voix estiment qu’on aurait pu être plus rigoureux à certains moments. La question de la dette, c’est juste une affaire de confiance comme pour les entreprises. Il faut que les créanciers aient toujours le sentiment que vous pourrez rembourser le moment venu. Traditionnellement, la FRANCE était un pays qui avait très bonne réputation car notre Administration fiscale est remarquable et qu’il est connu que nous savons lever des impôts assez facilement. Cela dit, tous les hommes politiques, à commencer par Bruno LEMAIRE ministre des Finances, disent qu’on ne peut plus augmenter les impôts. Donc, laisser dériver la dette serait un péril pour la FRANCE. La COUR DES COMPTES  le dit elle-même. Si l’on veut stabiliser le ratio Dettes/PIB, il faut infléchir la courbe de la dépense publique. En gros, la COUR DES COMPTES dit qu’il faut diviser par 2 le rythme de croissance de la dette publique.

FL- Le Rapport Pébereau de 2005 sur la dette publique sonnait déjà l’alarme. Depuis, le ratio Dette/PIB a doublé et coûte moins cher qu’à l’époque. En fait, tous les pronostics sombres ont été déjoués. Faire attention est-il crédible ?

Vous êtes très franco-centré Mr LENGLET. Pensez-vous que pour les Portugais, à qui on a réduit les pensions de 25%, la dette n’était pas un problème ? Pensez-vous que pour les Grecs, à qui on a réduit les rémunérations de 40%, la dette n’était pas un problème ? Ce que je dis, c’est que je ne veux absolument pas que la FRANCE devienne un jour comme la Grèce. Avec des taux d’intérêt beaucoup plus élevés, la dette serait beaucoup plus chère. Vous dites que la dette ne coûte pas chère. Ce sont les intérêts de la dette qui ne coûtent  pas chers. Quand vous empruntez 100 en capital, vous devez toujours rembourser 100. Aujourd’hui, nous avons un stock de dettes de 3000 milliards d’€ avec une durée moyenne de 6 ans. En imaginant que pendant 6 ans les taux d’intérêt soient 2% plus chers, ce qui est tout-à-fait plausible, dans 6 ans la dette coûtera alors 60 milliards d’€ d’intérêts de plus qu’aujourd’hui, c’est-à-dire l’ordre de grandeur de l’impôt sur le revenu. Il faudrait doubler l’impôt sur les revenus des Français pour payer les intérêts de la dette ?

PEBEREAU avait raison de tirer la sonnette d’alarme. La FRANCE serait en bien meilleure position,  même sur la scène internationale, si son déficit public était en moins mauvaise position. Une des magies de la campagne électorale actuelle est d’avoir mis un voile et fait disparaître ce problème de dette ?

FL- Mais ce problème existera toujours. La question des finances publiques a disparu du débat public. Dans le JDD de ce dimanche 20 février 2022, la question des finances publiques arrive en avant dernière position. Les Français donnent le sentiment que ce n’est pas un sujet ?

Pour une raison très simple. Nous avons eu 30 années de keynésianisme (intervention de l’ETAT dans la vie économique) et maintenant nous avons 30 années de non convertibilité du dollar et de création monétaire sans limite. Dans les années 1950-1960, il était de bon ton d’augmenter la dépense publique car on pensait que cela augmentait le PIB et que c’était l’intérêt des nations. A partir de 1970, il y a eu un double phénomène : On s’est acclimaté au déficit public et ensuite les américains ont commencé à faire de la création monétaire. On fait acheter de la dépense publique par la BANQUE CENTRALE et on émet du papier monnaie. Cette politique était pratiquée par les USA depuis 1974 et Jean-Claude TRICHET, gouverneur de la BCE, disait qu’il n’était pas question que l’EUROPE fasse pareil car ce n’est pas vertueux et cela crée de l’inflation. En 2011, Mario DRAGHIi a estimé qu’il était nécessaire de soutenir l’€ et de mettre en place des politiques à la fois de baisse des taux d’intérêts et en même temps de « Quantitative Easing » (QE = une politique économique et monétaire destiné à baisser les taux d’intérêt et à augmenter la masse monétaire) c’est-à-dire de rachat de dettes publiques. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où la création monétaire semble tout-à-fait indolore : si vous additionnez les taux d’intérêts qui sont quasiment nuls et parfois négatifs, vous pouvez emprunter et ne pas payer d’intérêts sur les nouveaux prêts. Il n’y aurait jamais eu autant de confinements pour Covid sans cette facilité monétaire. Des confinements de telle nature n’auraient jamais pu avoir lieu dans les années 1920-1930 à l’époque où l’étalon or était encore en vigueur. Peut-être est-ce un bien conjoncturel que nous ayons été en mesure d’éviter des morts du Covid grâce à tous ces confinements qui, entre guillemets, ont été compensés par la création monétaire ? Il demeure par moins que si on ne se désintoxique pas de ces comportements qui donnent à penser qu’il suffit de le décider pour dépenser l’argent public, cela nous exposera à des difficultés.

Le livre de Stéphanie KELTON qui s’appelle « Le Mythe du Déficit » est un livre extrêmement bien écrit, très pédagogique, qui illustre ce qui peut nous conduire à notre perte. En gros, elle dit qu’on peut émettre autant de monnaie qu’on veut et dépenser tant qu’il y a du chômage, des gens pauvres et pas d’inflation. Mais en fait en créant cette monnaie, vous créez une richesse qui n’a jamais été créée réellement par le travail, entre guillemets, par qui que ce soit. Cette licence est donnée à des pays développés comme Les ETATS-UNIS. Elle est totalement interdite aux pays émergents. Et avec la multiplication de ces pratiques, je crains que vous ayez un écart qui se creuse entre les pays qui peuvent créer de la monnaie avec leurs banques centrales et les pays émergents d’une part et d’autre part, cette politique d’argent pas cher conduit aussi à l’accroissement des inégalités patrimoniales entre les personnes qui ont la faculté d’emprunter et de réinvestir en capitalisant et celles qui ne l’ont pas.

FL- L’inflation qu’ont voit, 3% en France, 5,7% aux ETATS-UNIS, n’est-elle pas un signe avant coureur de ces dérèglements ? On l’attribue plutôt aux difficultés d’approvisionnement, à la force de la demande de reprise économique mondiale. Quand on crée plus de monnaie qu’on ne crée de richesses, finalement les prix montent ?

Bien sûr. Aujourd’hui, on a une inflation tirée par les prix de l’énergie et des matières premières. Demain, elle sera tirée probablement par les salaires qui subissent une pression à la hausse. Pour contenir l’inflation autour de 2 à 3% /an, on va dire que c’est l’huile de graissage du capitalisme et du modèle économique. Ce n’est pas dramatique mais des emballements conduisent à ce qu’on a pu connaître dans les années terribles, dans les années 1920 en ALLEMAGNE.

FL- Vous qui êtes un observateur de l’histoire et des grands cycles économiques, on a vu ces mécaniques se développer toujours lors des années de transition, transitions de tous ordres, géopolitique, technique, économique, social. N’est-on pas dans un tel moment ?

Oui. Je crois qu’on est dans un moment de révolution industrielle qui est la révolution dans la transition énergétique. Nous n’avons pas vu le début des efforts de recherche, d’investissements, pour changer tous nos réseaux. Ces derniers, de transports et d’énergies, ont été construits pendant plus d’un siècle sur la base d’une économie carbonée. Il faut construire les réseaux d’une économie décarbonée.  Nous allons probablement limiter l’accroissement du niveau de vie pour investir dans cette économie décarbonée. Et la répartition des efforts va être un enjeu politique majeur. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle période et c’est ce que nous avons intégré chez ADP dans la décarbonation de notre modèle stratégique du trafic aérien.

FL- Quel est le meilleur livre que vous avez lu dernièrement ?

C’est un livre que j’offre à mon comité exécutif et qui est en lien avec notre conversation. C’est la BD « Un Monde sans fin » de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain. Un livre pédagogique sur l’énergie que j’attendais depuis très longtemps

CR  - Cocqueel.jeanpaul@bbox.fr

 

 

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2019 4 19 /12 /décembre /2019 14:58

Compte-rendu de l'émission "C dans l'air" du 10/12/2019 : Dans le piège de la dette.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Verlinghem Autrement
  • : L'objectif du blog est d'informer et de communiquer avec les Verlinghemmois; et d'inciter aux actions citoyennes du Développement Durable : une économie circulaire et collaborative, inspirée des écosystèmes naturels qui recyclent tout.
  • Contact

Recherche