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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 13:17

Alice Desbiolles, épidémiologiste, était l'invitée d'Europe 1 ce mercredi matin. Pour la scientifique, interviewée au micro de Sonia Mabrouk, le nombre de contaminations "n'est pas un indicateur pertinent". Face au virus, elle appelle à prendre en compte d'autres données comme le nombre d'entrées en réanimation. 

Un non-vacciné est-il un patient à part ?

Dans cette crise sanitaire, il est plus que temps d’arrêter de chercher des coupables. Au début, c’était ceux qui ne respectaient pas le confinement, puis ceux qui ne respectaient pas les gestes barrières ou ne portaient pas le masque, ensuite c’étaient les enfants ; maintenant ceux sont les non-vaccinés. Demain, ce sera les enfants des non-vaccinés. Il est temps de se rappeler que les seuls coupables, ce sont les facteurs qui ont contribué à l’émergence  et à diffusion de cet agent infectieux à l’échelle de la planète.

On bascule de plus en plus la Santé et la Médecine dans le domaine de la morale. Il y a donc des bons et des méchants, des coupables, le bien et le mal. La Médecine et la Santé Publique ne devraient pas entrer dans le champ de la morale mais rester seulement dans le champ de l’éthique.

Peut-on parler d’irresponsabilité quand on n’est pas vacciné ?

 Le vaccin protège bien contre les formes graves mais n’est pas majoritairement efficace contre la transmission et la contamination. C’est maintenant très bien documenté dans la littérature scientifique. Avec plus de 90% de la population vaccinée, on est à plusieurs centaines de milliers de contaminations depuis le début de l’année 2022. Il faut donc arrêter cette stigmatisation et respecter le choix des individus. Le consentement est une notion très forte en Médecine.

Certains discours disent que les non-vaccinés doivent assumer leur choix jusqu’au bout et dire s’ils souhaitent être réanimés ou pas en cas de complication.

C’est la question des directives anticipées. C’est une très bonne chose que toute personne fasse cette directive anticipée pour savoir si elle souhaiterait être réanimée en cas d’accident. Ce n’est pas une question de statut vaccinal.

A quoi sert le pass vaccinal ? Est-ce la bonne stratégie aujourd’hui ?

Je ne suis pas certaine de son efficacité. La vaccination de masse de l’ensemble de la population et les rappels systématiques, à l’aveugle et itératifs, ne sont pas la stratégie recommandée par l’OMS. En fin d’année dernière, le directeur de l’OMS rappelait que ce n’est pas les coups de rappels itératifs en population générale qui feront que les pays sortiront de cette pandémie. Le plus important, c’est de cibler la vaccination sur les « personnes à risques » car il est bien documenté que le vaccin protège les « personnes à risques » des formes graves. Par contre, le vaccin ne limite pas la transmission et la contamination. L’utilité médicale, épidémiologiste et sanitaire de ce pass vaccinal est plus que discutable à mes yeux. Les aspects éthiques et démocratiques devraient aussi entrer dans la balance.

Si on ne fait pas partie de cette population cible des « personnes à risques », on aurait pu être non vacciné ?

Je suis vaccinée. Mais je pense que la vaccination doit cibler les « personnes à risques » et les personnes à leurs contacts, notamment les soignants, dans le respect des consentements libres et éclairés des individus. Effectivement, le plus logique et le moins coûteux sur tous les plans, sanitaire, économique, démocratique, serait de cibler la protection vers « les personnes à risques » et à leurs contacts dans le respect du consentement des individus.

Selon vous, nous sommes condamnés à vivre au côté de ces épidémies infectieuses. Et vous proposez un changement total de paradigme. Est-on entré dans l’ère des épidémies, des pandémies ?

C’est effectivement la conclusion du rapport « Echapper à l’ère des pandémies », publié fin 2020 de l’IPBES qui est la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Nous sommes vraiment rentrés dans l’ère des pandémies. On peut même parler d’épidémie de pandémies dont le SARS CoV2 n’est qu’un avant-goût. Il est important de rappeler que depuis la grippe espagnole de 1918, on a connu plusieurs pandémies successives dont le MERS, le VIH, Le SARS CoV2 … . On est donc bien rentré dans l’ère des pandémies. Les experts de l’IPBES insistent sur la nécessité de s’attaquer aux facteurs de risques d’émergence de ces maladies. Ces facteurs sont essentiellement les activités humaines destructrices que sont la déforestation, le commerce des animaux sauvages (zoonoses), l’érosion et la destruction de la biodiversité. Cette dernière, riche et variée, protège les humains des pandémies par l’effet dilution de l’agent pathogène dans une grande variabilité génétique. Un autre facteur de risque est l’élevage industriel qui joue un rôle d’amplificateur de l’agent pathogène car les animaux qui sont dans des fermes industrielles sont des clones au niveau génétique. Et, dés qu’un agent infectieux trouve la clé pour contaminer un individu, il contamine le reste de l’élevage. Et pour peu qu’il surgisse dans un élevage de porcs qui ont une très grande proximité génétique avec le genre humain (prés de 95% de gênes en commun), là c’est la voie royale pour accéder à l’être humain. Et dans le contexte de mondialisation, de globalisation, d’hyper mobilité, vous avez une diffusion très rapide à l’échelle de la planète dans des villes qui sont de plus en plus denses avec des systèmes de santé qui sont de plus en plus fragilisés. Là, vous avez le cocktail parfait pour des pandémies.

Si nous continuons à vivre comme actuellement, nous n’y échapperons pas ?

C’est la conclusion du rapport de l’IPBES : On entre dans une ère de pandémies et l’impact économique actuel des pandémies est 100 fois supérieur aux coûts estimés de leurs préventions. Et depuis 2018, l’OMS tient une liste de toutes les pathologies émergentes qu’il convient de surveiller de par leur fort potentiel pandémique dont la Covid, Ebola, Nipah, Zika, et la maladie X encore inconnue que l’OMS pointe comme une maladie qui, très probablement, émergera avec un potentiel pandémique majeur.

Les chiffres de contaminations diffusés actuellement sur Omicron ont-ils un sens ?

La question des indicateurs pertinents est très importante pour suivre l’évolution d’une pandémie. Le nombre de contaminations n’est pas un indicateur pertinent. Il faut arrêter de se focaliser sur ces contaminations vertigineuses comme l’a rappelé l’ex-conseiller de Donald Trump pour la gestion de crise  (Dr Anthony Fauci) mais plutôt regarder le nombre d’entrées en réanimation et le nombre de formes graves. Ce sont ces derniers indicateurs qui doivent prédominer. Avec des indicateurs qui ne sont pas les bons, on entretient un climat très anxiogène et on n’agit pas de manière ciblée.

Qui sont les marchands de peur aujourd’hui ?

Il y a une responsabilité scientifique et politique (voire médiatique). Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Je plaide pour un changement de paradigme à court, moyen et long terme. C’est la seule solution pour ne pas se condamner à mourir à petit feu dans des heures de confinements chroniques. A chaque fois, on a une réponse complètement déconnectée du réel. Je pense que ces histoires de pass sanitaire, de pas vaccinal, de confinement, ne sont pas un vocable du chant lexical de la Médecine et de la Santé Publique.

Une partie de la population est demandeur de restrictions. N’est-ce pas le rôle d’un responsable politique de chercher à protéger  par de telles mesures ?

Il y a une appropriation du terme « responsabilité » qui n’est pas le bon. Je pense qu’il faut évaluer les politiques publiques et les dispositifs mis en place. Si au final les mesures proposées font plus de dommages que de bien, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution. Il y a des indicateurs importants liés au Covid qu’il convient de suivre dont le nombre de formes graves ; mais il y a aussi tous les autres indicateurs sanitaires dont la santé mentale, la santé des enfants … .

La santé, est-ce aujourd’hui simplement éviter le covid ? Qu’est-ce être en bonne santé ?

La définition de l’OMS : " La santé est un état de complet bien être physique, mental et social et ne se résume pas à l'absence de maladies ou à l'absence d'infirmité ". Donc, on ne peut pas réduire la santé aux seuls indicateurs covid ou à la seule absence de covid.  C’est pour celà, que pour faire un bon monitoring de cette gestion de crise, il est important d’avoir des indicateurs covid en balance avec d’autres indicateurs sanitaires, la santé mentale, la santé des enfants.

La réanimation n’a pas le monopole du manque de lits, du manque de soignants, de la souffrance. En disant cela, je ne minimise pas l’impact et les tragédies liées à la covid-19. Je veux juste rappeler que la santé est quelque chose de plus global ; que la souffrance et le désespoir sont partagés par une grande partie de la population, pas tant du fait de la covid-19 mais du fait de cette gestion crise, des confinements, des fermetures d’écoles, de la pauvreté, de la précarité et des inégalités qui explosent en France. Et c’est cela aussi qui devraient, au côté des indicateurs covid, être pris en compte et être mis dans la balance. C’est juste une question d’équilibre.

Pour aller plus loin :

L’IPBES : Échapper à l’ère des pandémies (ofb.gouv.fr)

ob_064d98_20201029-media-release-ipbes-pandemics.pdf (over-blog-kiwi.com)

La biodiversité : un concept fondamental pour échapper à l’« ère des pandémies » - CEMAS

OMS identifie les principales maladies émergentes / médecin thoracique | Kompremos

Tout savoir sur les virus émergents (frm.org)

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